Une première depuis 12 ans : malgré une solide croissance économique, le Portugal est en grève générale contre une réforme du code du travail qui renforce les contrats temporaires

Ce jeudi 11 décembre, le Portugal connaît une journée de mobilisation sociale d’une ampleur inédite depuis plus d’une décennie, avec une grève générale qui perturbe profondément le pays. Les transports en commun, les écoles et les hôpitaux sont fortement impactés, témoignant du mécontentement généralisé face à une réforme du code du travail portée par le gouvernement de droite. La grève, la première depuis 2013, illustre la tension entre une volonté de relancer la croissance économique et la crainte d’une normalisation de la précarité pour les travailleurs portugais.

Les perturbations dans les transports sont particulièrement marquantes. À Lisbonne, la gare ferroviaire principale était presque vide au petit matin, avec la majorité des trains annulés, et les stations de métro étaient fermées, tandis que les ferries assurant la traversée du Tage fonctionnaient avec un service minimum. De leur côté, les services de collecte des déchets étaient au point mort, tout comme plusieurs unités hospitalières offrant principalement des soins non urgents, selon la confédération syndicale CGTP. Ces images illustrent la gravité du mouvement social, qui reste le plus important depuis la crise économique de 2013, lorsque le pays était encore sous perfusion des fonds européens et du FMI.

Les syndicats dénoncent une tentative de “normaliser la précarité”, en dérégulant le marché du travail et en facilitant les licenciements, ce qui cristallise l’opposition à cette réforme

Le gouvernement de Luis Montenegro insiste sur le fait que cette réforme vise à “stimuler la croissance économique pour créer plus d’emplois et améliorer les salaires”. Au centre du débat figure un avant-projet contenant plus d’une centaine de mesures, notamment l’allongement de la durée des contrats temporaires, la possibilité pour les entreprises d’embaucher des sous-traitants après un plan de licenciements, et une augmentation du service minimum en cas de grève. Ces propositions ont été vivement contestées par les syndicats, qui voient dans ces mesures une menace pour les droits des travailleurs et une étape vers une précarisation accrue du marché du travail portugais.

Selon la CGTP, qui prévoit une vingtaine de manifestations à travers le pays, ces dispositions constituent “l’une des plus grandes attaques faites au monde du travail”, dénonçant une volonté de “déréglementer les horaires, de faciliter les licenciements, et de déstabiliser la protection sociale”. La mobilisation a déjà touché de nombreux secteurs, notamment les transports, les services publics, les écoles, les hôpitaux et même le transport aérien. La compagnie aérienne nationale TAP prévoit par exemple de réduire ses vols à seulement un tiers de la capacité habituelle, ce qui souligne la portée des perturbations. M. Oliveira, le secrétaire général de la CGTP, qualifie déjà la grève de “succès” en termes d’attention portée au projet de réforme, alors que la pré-campagne électorale intensifie le contexte politique.

Malgré les critiques, le gouvernement avance que cette réforme “corrige un déséquilibre” instauré par les aménagements du code du travail adoptés en 2023 par le gouvernement précédent, de gauche. Il affirme que le pays doit profiter d’une conjoncture économique favorable, avec une croissance d’environ 2% et un taux de chômage stable autour de 6%, pour faire avancer ce projet. Toutefois, cette posture ne fait pas l’unanimité, et la résistance syndicale manifeste la fracture persistante entre les politiques économiques et les droits sociaux dans le pays.

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