Un an après avoir été écarté d’Intel, Pat Gelsinger continue de se lever à 4 heures du matin, toujours plongé dans la guerre des semi-conducteurs, mais cette fois sur un champ de bataille différent. Aujourd’hui associé à Playground Global en tant que partenaire de capital-risque, il collabore avec une dizaine de startups. Parmi elles, xLight a récemment attiré une attention particulière en annonçant un accord préliminaire pour un financement pouvant aller jusqu’à 150 millions de dollars provenant du département du commerce américain, ce qui en fait un actionnaire important. Cette opération marque une étape notable pour Gelsinger, qui a consacré 35 ans à Intel avant de se voir évincer, en fin d’année dernière, faute de confiance dans ses stratégies de redressement.
L’accord avec xLight met en lumière une tendance qui inquiète silencieusement la Silicon Valley : l’implication de l’administration Trump dans le capital de sociétés stratégiques. Lors d’un événement organisé par TechCrunch à Playground Global, Gelsinger, qui occupe également le poste de président exécutif de xLight, n’a pas semblé préoccupé par le débat philosophique. Il préfère concentrer ses efforts sur une technologie innovante qu’il croit capable de résoudre le principal défi du secteur : la lithographie, processus d’impression de motifs microscopiques sur des wafers de silicium.
La véritable innovation réside dans le traitement de la lumière comme une utilité distribuée, plutôt que comme une composante intégrée à chaque machine.
La startup visionne la construction de machines de taille impressionnante, environ 100 mètres par 50 mètres, qui seront placées à l’extérieur des usines de fabrication de semi-conducteurs. Ces lasers à électrons libres, capables de générer une lumière extrême ultra-violette à des longueurs d’onde aussi précises que 2 nanomètres, pourraient révolutionner la fabrication de puces. La technologie, si elle s’avère scalable, pourrait aller bien au-delà des capacités des acteurs actuels comme ASML, leader du marché EUV avec ses machines à 13,5 nanomètres.
« Une moitié du capital est consacrée à la lithographie, car au cœur de chaque machine se trouve la lumière. La capacité à innover vers des longueurs d’onde plus courtes et une lumière plus puissante est la clé pour continuer d’améliorer les semi-conducteurs, » explique Gelsinger. La société vise à produire ses premiers wafers siliconés d’ici 2028, puis à déployer ses premiers systèmes commerciaux en 2029. La connexion avec des acteurs majeurs tels qu’ASML et Zeiss est enclenchée pour assurer l’intégration de la technologie.
Gelsinger, qui a déjà abordé le sujet avec le secrétaire au commerce Howard Lutnick en février, assume pleinement la stratégie de partenariat public-privé. « J’évalue par les résultats. Notre objectif est de renouveler nos politiques industrielles, » affirme-t-il, tout en étant conscient que la participation gouvernementale reste une source de controverse. Pour lui, ces investissements sont essentiels pour la compétitivité nationale et la relance de l’industrie américaine face à la dominance étrangère, notamment en énergie, où la différence se mesure en nombre de nouveaux réacteurs nucléaires.
Conclusion
Le rôle de Gelsinger dans cette aventure illustre sa volonté de rester pertinent dans un secteur en mutation, à la croisée des chemins entre profit privé et intérêts stratégiques nationaux. Son approche, qui délaisse parfois les principes classiques de Silicon Valley, souligne une nouvelle ère où la géopolitique influence directement l’innovation technologique.
