Dans un monde où la frontière entre le réel et le virtuel se fait de plus en plus floue, le dernier documentaire d’ARTE, intitulé “La vraie vie”, plonge les spectateurs dans une expérience troublante. Réalisé par Ekiem Barbier et Guilhem Causse, ce film a embarqué le comédien Victor Assié dans un serveur de jeu vidéo où il explore une petite bourgade construite par des joueurs en quête d’une vie virtuelle. Un projet qui questionne notre rapport à la réalité tout en dévoilant une facette inattendue de l’absurdité bureaucratique.
Ce qui distingue “La vraie vie” des autres œuvres documentaires, c’est son intégralité tournée dans un jeu vidéo de simulation de vie. Victor Assié se retrouve à jouer un rôle analogue à celui qu’il occupe dans son quotidien : faire des démarches administratives, respecter le code de la route, et même travailler dur pour gagner de l’argent. Cette mise en abîme met en lumière la volonté des joueurs de recréer une routine qu’ils fuient peut-être dans la vie réelle, contrastant ainsi les frustrations modernes avec des interactions plus simples et parfois plus drôles dans un environnement contrôlé.
“Après avoir vu le documentaire, on finit par se demander si notre propre vie n’est pas déjà un jeu de rôle dont on a oublié les règles.”
Les réalisateurs Barbier et Causse ne sont pas des novices dans ce domaine. Leur premier film “Marlowe Drive” et le succès de “Knit’s Island” leur ont permis d’établir leur expertise en utilisant le machinima, une technique cinématographique qui exploite les moteurs graphiques des jeux vidéo. Avec “La vraie vie”, ils explorent un univers de jeu fondé sur le moteur d’Arma 3, où les interactions des joueurs ne manquent pas de piquant, révélant un intérêt collectif pour la bureaucratie — l’envers du décor n’étant jamais aussi pertinent que dans le cadre d’un monde virtuel.
En nous plongeant dans cet univers débridé, le documentaire pousse à réfléchir sur la nature de la communauté en ligne et sur ce qui pousse certains à préférer la vie dans le serveur à la solitude du monde réel. Les joueurs décrivent le monde virtuel comme leur “île”, un espace où les contraintes du quotidien prennent une forme ludique, mais où les dilemmes humains persistent. Ce parallèle soulève des questions profondes sur l’identité, la solitude, et notre quête de sens.
De plus, avec sa sélection à Canneseries 2025 et aux Visions du Réel 2025, “La vraie vie” ne fait pas que susciter des débats ; il prouve également que les documentaires peuvent prendre des formes innovantes et captivantes. Les cinq épisodes de 24 minutes, entièrement réalisés en machinima, offrent une immersion totale dans une existence alternative, sans jamais faire appel à une coupure traditionnelle vers la réalité. Le documentaire est accessible sur arte.tv et YouTube, prêt à captiver celles et ceux qui s’interrogent sur notre rapport aux mondes virtuels.