Les ruptures conventionnelles, dispositif créé en 2008, connaissent une popularité croissante en France, avec plus de 515 000 signatures en 2024. Si elles sont souvent perçues comme une solution pratique pour éviter les conflits en entreprise, elles recouvrent en réalité une grande diversité de situations, allant du changement de carrière au simple épuisement professionnel. Malgré leur coût important pour l’assurance chômage, ce mécanisme continue d’être privilégié par de nombreux salariés comme employeurs pour faciliter la séparation à l’amiable.
Parmi les exemples emblématiques, Mathieu Kilhoffer, âgé de 50 ans, témoigne de l’impact positif de cette procédure. Après 27 ans dans l’industrie de la plasturgie, dont 25 en travail de nuit, son corps ne suivait plus. Grâce à une rupture conventionnelle, il a pu se tourner vers sa passion, la fédération de pêche, évitant ainsi un déclin médical potentiel. De son côté, Oriane, âgée de 30 ans, a également fait appel à ce dispositif pour sécuriser sa transition vers une nouvelle activité de journaliste indépendante, en raison d’un changement organisationnel dans son emploi précédent.
“Ce dispositif, tout en étant coûteux, permet aux salariés de se libérer d’un emploi qui ne leur convient plus, en évitant des schémas conflictuels, malgré les critiques sur ses coûts.”
Les chiffres témoignent de l’ampleur du phénomène : en 2024, ces ruptures ont généré 9,4 milliards d’euros d’allocations chômage, représentant 26% du total. Cependant, leur utilisation soulève des questions quant à leur gestion et leur coût pour le contribuable. Le gouvernement dénonce des abus, pointant du doigt des salariés qui utiliseraient ce dispositif comme une porte de sortie facilitée pour profiter du système de l’assurance chômage. Les partenaires sociaux sont ainsi invités à négocier pour limiter ces dérives, avec un objectif d’économies qui pourrait atteindre un milliard d’euros.
Selon l’économiste Camille Signoretto, il est essentiel de nuancer ces critiques. “La majorité des ruptures conventionnelles remplacent des démissions et non des licenciements, et limiter leur usage pourrait pénaliser la mobilité des salariés, notamment dans des petites entreprises où il n’existe pas toujours de service RH.” Elle souligne également que ces ruptures concernent majoritairement des cadres ou des salariés plus diplômés, souvent dans des PME, où la question du licenciement ou de la démission diffère.
Dans le contexte des petites structures, la rupture conventionnelle apparaît comme une solution “sans stress” pour éviter des conflits prolongés. Hélène, directrice générale d’une PME de sept employés, raconte avoir usé à plusieurs reprises de ce dispositif pour se séparer de salariés peu adaptés, dans un souci de maintien du bon climat de travail. À l’autre extrémité, Arthur, responsable des achats dans une grande entreprise, explique avoir poussé une salariée à accepter une rupture pour éviter une situation difficile, comme un déménagement qui compliquait sa présence sur le site.
