C’est une inquiétude récurrente depuis près de 18 mois. Le reste à charge CPF, inscrit dans la loi de finances pour 2023, suscite de nombreuses craintes parmi les organismes de formation, les actifs et les organisations syndicales. Au cours des derniers mois, la mesure a fait l’objet de nombreuses annonces contradictoires, oscillant entre un pourcentage du coût de formation à débourser et un report sans date précise. C’est dans ce contexte ambigüe que Thomas Cazeneuve, Ministre délégué chargé des Comptes publics, a annoncé la mise en place dès 2024 d’une participation forfaitaire des salariés au compte personnel de formation (CPF) de l’ordre de 10 %. Plus récemment, le 8 mars 2024, une information parue dans Les Échos indiquait que le reste à charge ne serait finalement que de 100 euros.
Sans texte officiel, on ne peut qu’émettre des doutes quant à une application prochaine de cette mesure. De plus, le montant définitif doit encore être déterminé à travers des négociations avec les partenaires sociaux. Cependant, il semblerait que cette fois, l’intention du gouvernement semble se confirmer, s’inscrivant dans un plan plus large de réduction des dépenses. L’application de cette mesure dite du reste à charge intervient en effet dans le cadre d’un vaste plan d’économie initié par le gouvernement, qui prévoit environ dix milliards d’euros d’économies. Plus précisément, trois dispositifs principaux de la formation professionnelle subiront les effets de cette contraction des dépenses : l’apprentissage, via une réduction des montants de prise en charge de l’ordre de 250 millions d’euros ; le CPF, avec l’établissement d’un reste à charge de 200 millions d’euros ; et enfin le plan d’investissement dans les compétences (PIC), qui verra sa dotation diminuer de 100 millions d’euros.
Cette mesure s’inscrit dans une politique économique plus large, mais sa mise en application soulève des questions juridiques et pratiques encore non résolues.
Ce principe de participation forfaitaire sera, par défaut, applicable à tous les actifs, qui devront prendre en charge 10% du prix des formations, soit un montant de 100 euros. Cependant, deux catégories seront exemptées de ce paiement : les demandeurs d’emploi et les salariés dont le projet de formation est cofinancé par leur employeur. En théorie, l’application de ce reste à charge semble simple. Pour une formation à 2000 euros, vous devrez par exemple payer entre 100 euros (le forfait annoncé) et 200 euros (si les 10% sont maintenus) de votre poche. Cependant, plusieurs points pratiques et juridiques restent à éclaircir : le recalcul du reste à charge lorsque les droits du titulaire sont insuffisants, le statut de demandeur d’emploi comme critère d’exonération, le seuil du cofinancement de l’employeur pour que le reste à charge ne soit pas appliqué, etc.
Au regard des oppositions formulées par les organisations salariales, les négociations sur ces points pourraient s’avérer difficiles. De plus, la mesure pourrait être attaquée sur sa légalité, car elle risque de créer une rupture d’égalité d’accès au CPF et pourrait donc être contestée sur le plan constitutionnel. En effet, la capacité ou le souhait de l’employeur de contribuer financièrement au projet d’un collaborateur ne dépend pas du salarié. Il apparaît donc injuste qu’en fonction de l’entreprise à laquelle il est rattaché, un salarié soit contraint ou non de payer le reste à charge de sa poche. À la date où nous écrivons cet article, un décret d’application était annoncé pour avril 2024. L’article des Échos évoquait quant à lui une application du reste à charge à partir du 1er Mai…