Changer 144.000 couches ou soulever 5.000 tonnes : pourquoi on sous-estime la pénibilité des métiers de la petite enfance

Le Syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE) a récemment lancé un cri d’alarme concernant la “pénibilité invisible” des employé(e)s du secteur. Selon ses estimations, les gestes répétitifs tels que porter, s’accroupir, se pencher ou bercer effectués chaque jour par les professionnelles accumulent une usure corporelle importante, souvent ignorée dans les dispositifs de reconnaissance de la pénibilité. En une carrière, ces gestes représentent notamment 5.000 tonnes soulevées, 144.000 changements de couches ou vêtements, et un million d’accroupissements, autant d’efforts physiques qui malmènent la santé des travailleurs.

Le syndicat souligne que ces actions quotidiennes, considérées à tort comme des “postures maternelles” naturelles, s’accompagnent de risques pour la santé tels que troubles musculo-squelettiques, lombalgies, tendinopathies et atteintes articulaires. Ces troubles sont souvent liés à la répétition incessante des mêmes gestes, qui, combinés à des environnements souvent bruyants et à la manipulation de matériels lourds, contribuent à une fatigue physique et mentale importante, parfois à la rupture précoces des carrières. L’ampleur de cette pénibilité demeure largement méconnue, car elle n’est pas intégrée dans les dispositifs de reconnaissance, ni prise en compte dans l’évaluation officielle du risque professionnel.

La pénibilité réelle du secteur, cumulative, continue et fortement féminisée, n’est donc ni mesurée, ni reconnue, ni indemnisée.

Pourtant, selon l’Assurance maladie, les professionnels de la petite enfance, souvent féminins, ont un taux d’accidents du travail supérieur à celui des autres secteurs. Ils représentent 16 % des accidents liés au travail, malgré une présence de seulement 11 % dans l’ensemble des salariés. Avec 52 accidents pour 1.000 salariés, contre 34 pour 1.000 dans d’autres secteurs, cette situation souligne la vulnérabilité accrue des personnes évoluant dans ce domaine, face à des postures contraignantes, des risques infectieux, des chutes ou encore des glissades.

Le SNPPE déplore que les dispositifs actuels, comme le compte professionnel de prévention (C2P), soient inadaptés pour reconnaître cette pénibilité spécifique. Ces dispositifs ont été pensés pour des métiers plus “masculins” tels que l’industrie ou le BTP, focalisés sur des charges lourdes et des environnements techniques extrêmes. Or, la pénibilité dans le secteur petit enfance, principalement féminisé, est surtout une accumulation continue de gestes répétitifs et de postures contraignantes, ce qui n’est pas pris en compte dans ces dispositifs. Le syndicat appelle donc à une reconnaissance spécifique, et à l’intégration de cette pénibilité dans le dispositif national de prévention, afin de mieux protéger ces professionnelles essentielles.

Face à ces constats alarmants, le SNPPE recommande notamment de reconnaître la petite enfance comme un métier à pénibilité élevée, d’intégrer ce secteur dans le C2P, de financer des aménagements ergonomiques dans toutes les structures, et de déployer un plan national de prévention contre les troubles musculo-squelettiques, les accidents et les maladies professionnelles. Il insiste également sur le fait que la pénibilité de ces métiers, souvent considérés comme naturels ou “maternels”, nécessite une véritable prise en compte officielle, pour préserver la santé et la longévité professionnelle de celles et ceux qui œuvrent quotidiennement auprès des enfants.

En conclusion, le syndicat met en lumière une pénibilité souvent invisible mais bien réelle, qui doit impérativement être reconnue et prise en compte dans la politique de santé au travail, afin d’assurer la pérennité des carrières dans ce secteur vital pour notre société.

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