« À poste égal, tout le monde ne travaille pas de la même façon » : avec la transparence des rémunérations, les managers craignent de devoir passer leur temps à se justifier

Une nouvelle directive européenne s’apprête à transformer le paysage de la transparence salariale au sein des entreprises. D’ici juin 2026, celles-ci devront obligatoirement afficher les salaires ou une fourchette lors des offres d’emploi, et justifier les écarts de rémunération pour des postes égaux. Cette mesure vise notamment à réduire les inégalités hommes-femmes, mais soulève également des craintes chez de nombreux managers quant aux tensions potentielles et à la gestion des différences de salaire au sein de leurs équipes.

En France, si le tabou autour de l’argent persiste souvent dans la sphère privée, l’étude de l’Apec publiée fin novembre montre que les cadres sont favorables à la transparence salariale à un degré comparable à celui d’autres pays européens. Ainsi, 64 % des cadres français pensent que les salaires devraient être connus de tous, un résultat proche des 67 % en Allemagne ou des 63 % en Espagne. Pourtant, cette volonté de transparence contraste avec une réalité encore largement opaque dans la majorité des entreprises françaises.

Les entreprises, encore peu préparées, doivent rapidement s’adapter pour éviter des tensions et des ajustements coûteux, tout en gérant des enjeux humains et techniques complexes.

Ce changement impose plusieurs obligations concrètes : afficher une fourchette de salaire dans les offres d’emploi, clarifier les critères de fixation des rémunérations, et communiquer aux salariés moyennes ou écarts légitimes en cas de demande. Actuellement, seules 46 % des entreprises publient systématiquement la rémunération lors de leurs annonces, et 66 % n’ont pas accès à des grilles salariales internes, ce qui montre le retard qu’elles accusent face à ces nouvelles exigences.

Une majorité d’entre elles restent encore peu informées ou peu préparées à ces évolutions. Près d’une entreprise sur deux a seulement entendu parler de la directive, et seulement 33 % estiment en connaître précisément les contours. La majorité, notamment parmi les PME, n’a pas encore entamé de démarches concrètes, ce qui augure un travail conséquent dès les premiers mois de mise en application.

Au-delà des enjeux techniques, une partie importante des managers exprime des inquiétudes quant à l’impact de cette transparence sur leur gestion quotidienne. Savoir que les salaires seront accessibles à tous pourrait créer des tensions ou, au contraire, réduire les injustices perçues, notamment entre hommes et femmes. Certains craignent notamment que la connaissance des écarts entraine animosité ou démotivation, surtout dans un contexte où les écarts peuvent exister pour diverses raisons, telles que la pénurie de talents ou le parcours professionnel.

Certains responsables s’interrogent aussi sur la capacité à continuer de récompenser la performance individuelle sans risquer de voir tous les salariés converger vers une même rémunération uniforme. Pourtant, l’ouverture des chiffres pourrait aussi favoriser une gestion plus transparente et lutter contre le favoritisme ou le copinage, en instaurant un management plus factuel, comme le soulignent plusieurs experts et professionnels interrogés. La période d’ici 2026 sera cruciale pour que les entreprises prennent le train en marche et évitent un choc culturel brutal.

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