La question de la succession à la tête d’une entreprise est un enjeu majeur pour de nombreuses structures familiales, où le transfert de compétences et de pouvoir génère souvent une délicate équation à résoudre. Certains dirigeants, à l’image de Ginette Moulin, éminente patronne des Galeries Lafayette, semblent pourtant repousser indéfiniment l’éventualité de passer le relais. Aujourd’hui âgée de 97 ans, Mme Moulin vient de céder les rênes du prestigieux groupe à son gendre, Philippe Houzé, lui-même âgé de 76 ans.
Sans être la règle, le cas de Ginette Moulin n’est pas non plus à considérer comme une exception. Les patrons d’un âge avancé se font de plus en plus acceptés, tant par les employés de leur entreprise que par la société en général. “On a vraiment avancé sur la diversité, il y a de très jeunes qui prennent le pouvoir mais aussi des personnes très âgées qui le conservent”, expose Paule Boffa-comby, présidente de Rethink & Lead et experte en leadership.
“C’est trop restrictif de raisonner uniquement en termes d’âge: il faut raisonner en termes d’expérience, voir le contexte de l’entreprise, l’environnement, mais aussi le parcours et l’énergie de la personne”, explique l’experte d’Avec Vous.
En effet, aucune obligation légale n’exige un âge maximal au-delà duquel il serait interdit de rester à la tête d’une entreprise. “Les entreprises font partie du domaine privé, donc il est difficile d’imaginer un contrôle étatique sur un âge maximal”, souligne Xavier Dulin, avocat en droit social. Pourtant, l’âge du patron demeure un sujet décisif pour l’avenir de l’entreprise et engendre de nombreuses interrogations. Cyril Cuenot, associé chez Sia partners, affirme qu'”il est essentiel de savoir si un chef d’entreprise très âgé a la capacité d’assurer cette fonction sur un cycle professionnel”.
Dans certaines situations, comme celle de Ginette Moulin, la succession est orchestrée de longue date, avec un partage progressif du pouvoir plutôt qu’une transmission abrupte. Le nouveau dirigeant, tel que Philippe Houzé, fait souvent partie de l’entreprise depuis de nombreuses années. “On se focalise souvent uniquement sur le dirigeant, mais de plus en plus souvent on a des binômes président/directeur général qui se complètent”, précise Paule Boffa-Comby. Ainsi, de nombreuses entreprises familiales optent pour une transition douce, préservant les figures emblématiques tout en déléguant les tâches opérationnelles à la génération suivante.
Parfois, rester aux commandes de l’entreprise n’est pas vraiment un choix, notamment pour les petites structures familiales très répandues en France. “Il faut aussi rappeler qu’il y a beaucoup de dirigeants de TPE et de PME qui ont envie de passer la main mais qui n’arrivent pas à trouver de repreneur”, nuance Philippe Fourquet, président de la fédération des associations 60.000 rebonds. Dans ce cas, le chef d’entreprise est souvent contraint de chercher hors du cercle familial un successeur à qui céder les rênes, ou à défaut de fermer son entreprise.