Une décision importante rendue par la Cour de cassation le 6 juin 2024 clarifie les règles de réparation des préjudices subis par les apprentis victimes d’accidents du travail. Selon un principe qui remonte à plus d’un siècle (loi de 1898), le salarié est automatiquement indemnisé dès lors que l’accident survient sur son lieu et pendant son temps de travail. Cette compensation, bien que non intégrale, est garantie même en l’absence de poursuites au titre de la responsabilité civile (article L451-1 du Code de la sécurité sociale). En effet, réparation est forfaitaire (rente pouvant être majorée), sauf en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Si une telle faute est avérée, la victime d’un accident de travail peut, sous certaines conditions, demander réparation du préjudice, matériel ou moral, qu’elle a subi (article L 452-3 du Code de la Sécurité sociale). Si le dommage résulte de l’acte d’un tiers, à savoir une personne autre que l’employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit peuvent demander réparation selon les règles du droit commun. Cette réparation ne saurait toutefois excéder celle prévue par la législation sur les accidents du travail (article L454-1 du Code du travail).
Une décision de la Cour de cassation vient apporter un nouvel éclairage sur la notion de tiers dans le cadre de l’apprentissage.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la décision du 6 juin 2024 de la Cour de cassation. Le cas étudié était celui d’un apprenti formé au Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricoles (CFPPA). Au cours de cette formation, l’apprenti est victime d’une chute pendant un exercice d’élagage sous l’autorité de ses formateurs, employés de l’EPLEFPA. La question posée à la cour était de savoir si le CFPPA pouvait être considéré comme un tiers par rapport à l’employeur. Si la réponse était négative, l’apprenti pouvait demander réparation en vertu du droit commun. Si la réponse était positive, l’indemnisation de l’apprenti serait limitée à celle offerte par les prestations sociales en cas d’accidents de travail.
En fin de compte, la Haute Cour a décidé que le CFPPA n’était pas un tiers par rapport à l’employeur. La qualification de “tiers” peut paraitre simple à première vue, mais peut s’avérer complexe dans certaines situations, comme celle de l’apprentissage. Les juges ont ainsi estimé qu’il existait un “travail commun” entre le CFA – chargé des enseignements théoriques – et l’employeur – responsable de la formation pratique. Cette décision de la Cour souligne l’importance de la qualification de “tiers” dans le cadre des accidents du travail des apprentis. Une mauvaise qualification pourrait priver les apprentis de leur droit à réparation en vertu du droit commun de la responsabilité civile.