Dissimuler une relation amoureuse entre collègues peut mener au licenciement pour faute grave. Cette conclusion provient d’une décision rendue par la Cour de Cassation, suite à un échange d’informations confidentielles sur l’entreprise. Selon une étude récente, 55% des Français affirment avoir déjà vécu une romance au bureau. Parmi eux, près de 6 salariés sur 10 sont en couple avec un collègue. Cette situation tend à illustrer une affaire concernant deux salariés d’une entreprise ardéchoise.
L’homme était employé au pôle des ressources humaines tandis que la femme détenait un mandat syndical en tant que représentante du personnel. L’employeur a décidé de licencier son représentant. “En temps normal, le respect du droit à une vie privée dans le cadre professionnel est strictement observé”, fait remarquer l’avocat en droit social, Thierry Meillat. “C’est très surprenant qu’un salarié puisse être licencié à cause d’une relation amoureuse qui n’a causé aucun préjudice à l’employeur”, ajoute-t-il.
“C’est un équilibre à trouver dans le management, entre une équipe où les gens travaillent juste ensemble et une équipe où ils travaillent ensemble où les gens sont amis…ou plus”, Emeric Lebreton, psychologue du travail.
Dans le cas présent, la Cour de cassation a mentionné que ”la relation entre les deux salariés avait commencé à prendre une tournure autre qu’amicale à la fin de l’année 2008”. Ils ont travaillé ensemble dans l’entreprise Payen pendant 4 ans et demie. Pendant cette période, ils ont “participé à des réunions conjointes (…) sur des sujets sensibles”. Des rôles opposés ont été joués notamment lorsqu’un plan social a été défendu par l’homme et contesté par la femme. Cette relation, qui n’était pas connue de la direction, a été découverte en 2014, provoquant le licenciement de l’homme pour “manque de loyauté”.
Pauline Moreau, spécialiste en droit social chez Voltaire Avocats, comprend cette décision. Selon elle, le RH et la représentante syndicale étaient des “interlocuteurs directs, avec des intérêts pas toujours communs”, ce qui justifie cette décision exceptionnelle. Cependant, il faut noter qu’il n’y a pas nécessairement un préjudice pour la société, et aucun avantage significatif n’a été obtenu lors des négociations du plan social. Le salarié peut même porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme pour atteinte à son droit à la vie privée.
La question qui se pose alors est de savoir si toutes les relations intimes ou amicales doivent être déclarées pour prévenir les conflits d’intérêt. Selon Thierry Meillat, cela reviendrait à adopter une logique anglo-saxonne où les politiques internes d’entreprise exigent de dévoiler nos liens personnels à l’employeur. Toutefois, les juristes estiment que nous n’en sommes pas là dans les entreprises françaises. En effet, le droit prévoit un respect strict de la vie privée et certains employeurs ont vu leur licenciement annulé devant le tribunal pour des cas similaires. De plus, l’éviction d’un salarié seulement en raison de sa relation au bureau pourrait être considérée comme discriminatoire.