La justice a récemment annulé un licenciement pour des motifs plutôt inhabituels. Le 31 janvier 2024, un salarié d’une entreprise a réussi à faire annuler partiellement son licenciement suite à son “comportement critique et son refus d’accepter la politique de l’entreprise basée sur l’incitation à divers excès”, notamment en ne participant pas aux apéros organisés régulièrement par l’entreprise, ou en critiquant l’alcoolisation excessive lors de ces “moments de convivialité”. Cette affaire, que nous avions révélée en novembre 2022, avait fait le tour du monde.
Après avoir gagné en Cour de cassation, le salarié s’est tourné vers la Cour de renvoi pour obtenir sa réintégration et des indemnités. Selon nos informations, cette demande a bien été entendue puisque la Cour d’appel a confirmé la nullité du licenciement le 31 janvier 2024. Elle a également ordonné la réintégration du salarié et lui a accordé près de 500 000 euros en indemnités.
“Avec cette décision, l’employeur peut en théorie former un nouveau pourvoi, mais la solution de la Cour de cassation s’impose”, déclare l’avocat du salarié, Olivier Bongrand.
Le salarié, engagé en 2011 par la société Cubik Partners en qualité de consultant senior, puis promu directeur en 2014, avait été licencié un an plus tard pour “insuffisance professionnelle” et notamment son refus d’adhérer à la culture “fun & pro” de l’entreprise. L’affaire avait été renvoyée en Cour d’appel après une décision aux Prud’hommes, et un pourvoi en cassation avait été formé par les deux parties.
Dans son arrêt de novembre 2022, la Cour avait considéré “que le licenciement est intervenu en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression” et avait constaté qu'”il ne pouvait être reproché à Mr T. son absence d’intégration de la valeur “fun & pro” de l’entreprise”. Elle avait par ailleurs relevé que cette valeur se traduisait “par la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive encouragée par les associés qui mettaient à disposition de très grandes quantités d’alcool, et par des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages”.
La Cour avait également fait remarquer que “la culture “fun & pro” en vigueur dans l’entreprise était caractérisée par des pratiques humiliantes et intrusives dans la vie privée telles que des simulacres d’actes sexuels, l’obligation de partager son lit avec un autre collaborateur lors des séminaires, l’usage de sobriquets pour désigner les personnes et l’affichage dans les bureaux de photos déformées et maquillées”.