La Finlande traverse une période particulièrement difficile, avec le deuxième taux de chômage le plus élevé d’Europe et deux années consécutives de récession en 2023 et 2024. La crise économique a été exacerbée par la suspension des échanges commerciaux avec la Russie, officiellement suite à l’invasion de l’Ukraine. Malgré cette instabilité, le pays demeure sous surveillance accrue de l’Union européenne, notamment en raison des risques croissants d’aggravation des inégalités sociales.
Ce paradoxe suscite une réflexion profonde sur le modèle finlandais. En dépit d’un exemple mondial en matière de bien-être, avec un indice du bonheur élevé et une faible inégalité de revenus, l’économie vacillante remet en question la durabilité de ses acquis sociaux. La chercheurs comme Inez Aulén, jeune professionnelle au chômage depuis plusieurs semaines, illustrent ces tensions : elle a postulé à plus de 50 emplois sans succès, face à une recherche qui pourrait durer des mois, voire l’éloignement vers d’autres pays comme seule solution.
Les indicateurs économiques ne reflètent pas la qualité de vie, mais la fragilité du modèle social finlandais pose question.
Selon les chiffres officiels, le taux de chômage a atteint 10,3 % en octobre, son niveau le plus élevé depuis plus d’une décennie. La moyenne de l’UE en septembre s’élevait à 6 %, tandis que la Finlande enregistre 9,6 % après ajustements saisonniers. La croissance économique, déjà négative en 2023 et 2024, pourrait rebondir légèrement en 2025, mais demeure très fragile en raison des enjeux liés aux exportations, à la demande intérieure et aux évolutions géopolitiques, notamment liés à la Russie et à la Chine.
La crise de 2008 a laissé des traces durables sur l’économie finlandaise, dont le secteur de la construction a connu un effondrement récent. Par ailleurs, la rupture des liens commerciaux avec la Russie, en raison de l’invasion ukrainienne, a accentué la dégradation de la situation. Bien que le pays dispose d’un système social robuste, sa croissance ne parvient pas à suivre, ce qui soulève des inquiétudes quant à sa capacité à maintenir son modèle si cher à ses citoyens.
Le gouvernement de droite, élu en 2023, a mis en œuvre des mesures d’austérité, notamment la réduction des dépenses publiques, pour tenter de réduire une dette qui approche 90 % du PIB. Ces choix ont suscité des débats quant à leur impact sur la cohésion sociale. Malgré l’objectif affiché de créer 100 000 emplois, le marché du travail reste tendu, en particulier pour les jeunes, les migrants et ceux en situation de précarité. La crise affecte aussi fortement ceux qui dépendent des aides sociales, remettant en cause la solidarité historique finlandaise.
Confrontée à ces difficultés, la société finlandaise craigne de voir disparaître l’”esprit de la guerre d’hiver” – symbole d’unité nationale – et de glisser vers une fracture sociale. La tradition de protection sociale, développée dans les années 1960, se trouve mise à rude épreuve. La Commission européenne, préoccupée par le déficit excessif et la montée des inégalités, menace même une procédure disciplinaire si la situation ne s’améliore pas, ce qui alimente le débat sur la compatibilité entre le modèle social et la rigueur économique.
Malgré ces défis, certains experts rappellent qu’opposer la qualité de vie à la performance économique pourrait être une erreur. Kristalina Georgieva, la directrice générale du FMI, insiste sur le fait que la prospérité de l’Europe repose sur sa productivité. La Finlande doit ainsi trouver un nouvel élan par l’investissement, l’innovation et l’attraction des talents pour préserver son niveau de vie exceptionnel, quitte à réadapter ses priorités économiques et sociales.
