De plus en plus de femmes utilisent une stratégie quelque peu ironique pour augmenter leur visibilité sur LinkedIn : elles changent leur genre en “homme” et portent de fausses moustaches sur leur photo de profil. Cette démarche, débutée le mois dernier, a suscité un engouement croissant, avec des utilisatrices affirmant que cette modification leur permettait d’accroître significativement leur visibilité et leur engagement sur la plateforme. Ces expériences ont déclenché une discussion sur l’éventuel biais algorithmique dont pourraient faire l’objet les profils féminins.
Les utilisatrices expliquent que, après avoir modifié leur pronom en “il”, ou en remplaçant leur nom par une version masculine (par exemple, Simone en Simon), leur audience a connu une flambée. Certaines ont même recours à l’intelligence artificielle pour réécrire leurs publications avec un ton plus viril, dans l’espoir d’attirer davantage l’attention de l’algorithme, qui semble favoriser certains profils plus visibles. Par ailleurs, l’utilisation d’accessoires tels que de fausses moustaches illustrent leur volonté de faire un test humoristique en se mettant volontairement dans la peau d’un homme.
“Les femmes qui ont vu leur visibilité augmenter pensent que l’algorithme pourrait avoir un biais implicite en faveur des profils masculins, même si LinkedIn affirme ne pas utiliser le genre comme critère.”
Selon plusieurs témoignages, la modification du genre sur le profil LinkedIn a permis à ces femmes d’observer une hausse notable de leurs interactions : mentions “j’aime”, commentaires, partages et portée de leurs publications ont augmenté de façon spectaculaire. La professionnelle britannique Rosie Taylor, par exemple, a constaté une hausse de 161 % du nombre de visiteurs à sa newsletter en seulement une semaine, lorsque son profil était perçu comme masculin. Pour certains, cette expérience illustre que la visibilité sur LinkedIn peut dépendre, consciemment ou non, d’un biais lié à l’identité de genre telle qu’elle est perçue par l’algorithme.
LinkedIn a tenu à démentir toute accusation de sexisme dans son fonctionnement algorithmique. Un porte-parole a indiqué à l’AFP que “nos algorithmes n’utilisent pas le genre comme critère de classement, et le fait de changer de genre sur votre profil n’a aucune incidence sur la façon dont votre contenu apparaît dans les résultats de recherche ou dans le fil d’actualité.” Cependant, ces expérimentations mettent en lumière la frustration des femmes actives sur la plateforme, qui estiment que la transparence quant au fonctionnement de l’algorithme est encore trop faible.
Malin Frithiofsson, directrice générale de Daya Ventures, souligne que “des biais sexistes peuvent émerger à travers les données saisis, les bulles algorithmiques et les normes culturelles associées à ce que doit être une ‘voix professionnelle’.” La responsable de LinkedIn, Sakshi Jain, insiste quant à elle sur le fait que “les systèmes d’IA prennent en compte des centaines de facteurs, tels que la taille du réseau ou l’activité de l’utilisateur, pour déterminer la visibilité.” Néanmoins, la question demeure : ce biais implicite ou structurel influence-t-il réellement la visibilité et les opportunités professionnelles offertes aux femmes sur la plateforme ?
“La transparence sur le fonctionnement des algorithmes reste un enjeu central pour comprendre comment l’attention est attirée ou rejetée selon l’identité et le genre des utilisateurs.”
Au final, ces expériences illusent plus largement le malaise relié à la visibilité en ligne et aux biais systémiques liés au genre. La plateforme continue d’affirmer qu’elle ne privilégie pas certains profils, mais les résultats de ces tests suggèrent que, malgré tout, des disparités persistent. La question de l’algorithme et de ses biais implicites reste ouverte, alimentant un débat sur la transparence et l’équité dans les outils numériques utilisés pour la recherche d’opportunités professionnelles.
