La transparence salariale s’apprête à devenir une réalité incontournable pour les entreprises européennes, notamment en France où une directive doit être transposée d’ici juin 2026. Elle impose notamment aux structures de plus de 100 salariés d’afficher une fourchette de salaire dans leurs offres d’emploi et de fournir aux employés la possibilité de connaître la moyenne des rémunérations de collègues effectuant un travail comparable. Si ces mesures visent à réduire l’écart de 14% entre hommes et femmes à temps de travail égal, elles soulèvent aussi de nombreux défis tant techniques qu’humains.
Les entreprises se préparent de manière très diverse à cette nouvelle exigence. Certaines anticipent un “big bang”, en mettant en place rapidement des outils et des processus pour se conformer, tandis que d’autres n’étaient pas du tout informées de ces changements. La tâche la plus redoutée concerne la capacité à fournir des données précises et justifiées sur les salaires par catégorie de poste, ce qui représente un véritable casse-tête pour les PME, souvent dépourvues de ressources RH suffisantes. La difficulté est d’autant plus grande que ces structures doivent également gérer l’impact potentiel sur la motivation et la cohésion des équipes.
“Les écarts non justifiés devront être analysés et corrigés, ce qui pourrait provoquer des tensions et des frustrations importantes dans les entreprises.”
Une fois la transparence imposée, le défi principal réside dans la gestion des demandes de renseignements de la part des salariés. Ceux-ci pourront réclamer la moyenne salariale de leurs collègues effectuant un même travail ou une valeur équivalente, entraînant inévitablement des confrontations. Les écarts supérieurs à 5 % devront donc faire l’objet d’une analyse approfondie, et une correction devra être envisagée si ces différences sont jugées injustifiées. Cette situation risque d’accroître les tensions internes, notamment si certains salariés découvrent qu’ils sont payés moins que leurs collègues pour un travail similaire, alimentant parfois un climat de méfiance ou de déception.”
Malgré ces risques, certains acteurs estiment que cette réforme peut aussi favoriser une plus grande équité et transparence à long terme, en obligeant les gestionnaires à instaurer des politiques de rémunération plus objectives et justifiées. “Il faut se préparer dès maintenant à ces changements, en étant prêts à justifier chaque décision salariale”, conseille Sandrine Dorbes, experte en rémunération. En parallèle, les entreprises doivent revoir leurs processus internes, notamment la classification des postes et la gestion des écarts liés aux métiers en tension, pour ne pas se retrouver exposées à des augmentations imprévues ou à des recrutements plus coûteux dans certains secteurs.
Ce contexte de mutation profonde, qui concerne aussi bien les PME que les grandes sociétés, oblige à une réflexion stratégique sur la gestion des ressources humaines et la communication interne. Si la mise en place de ces nouvelles règles s’annonce coûteuse et complexe, certains dirigeants commencent déjà à ajuster leur politique de rémunération, en utilisant la part variable ou en révisant leurs grilles salariales pour réduire les écarts injustifiés. La transparence salariale, bien qu’elle initie une période de turbulences, pourrait à terme transformer la culture d’entreprise en une dynamique plus juste et équitable — pour peu que chacun fasse preuve de courage et de transparence.”
