Banquiers et assureurs cherchent à maîtriser l’usage de l’intelligence artificielle (IA) par leurs salariés, en développant des outils sécurisés réservés à un usage exclusif de l’entreprise. Leur objectif est de bénéficier des gains de productivité promis par cette technologie sans mettre en danger la confidentialité des données sensibles des clients. La sortie fracassante de ChatGPT fin 2022 a accéléré cette réflexion, révélant les risques liés à un usage non encadré de l’IA dans ces secteurs.
Face à la popularité de ChatGPT, de nombreuses institutions financières ont constaté que certains collaborateurs expérimentaient librement ces outils, parfois au péril de la conformité réglementaire. Chez Abeille Assurances, par exemple, l’utilisation de ChatGPT a été rapidement bloquée pour éviter que des données sensibles ne soient exploitées ou mal gérées. À la place, les salariés ont désormais accès à des versions sécurisées proposées par des géants comme Microsoft et Google, avec des garanties contractuelles sur la confidentialité des données échangées.
Les établissements financiers cherchent à garder la main sur leur usage de l’IA tout en espérant des gains de productivité, sans ouvrir la porte à des risques pour la confidentialité et la conformité réglementaire.
Pour renforcer ce contrôle, plusieurs banques et assurances ont mis en place des plateformes internes à usage réservé à leurs salariés, tout en utilisant des modèles de langage de grands acteurs de l’IA tels que Microsoft, Anthropic ou des modèles développés localement comme ceux de Mistral. Ces solutions permettent de limiter l’accès aux données sensibles, avec une gestion soigneuse de leur hébergement, comme c’est le cas à BNP Paribas ou BPCE, qui privilégient l’hébergement en interne ou sur des serveurs dédiés pour les informations les plus critiques.
Par ailleurs, la formation joue un rôle essentiel dans cette stratégie de sécurité. Chez BPCE, par exemple, près de 45 000 salariés sur 100 000 ont été formés à l’utilisation responsable de ces outils, qui leur apprennent avant tout à formuler des requêtes précises et à respecter les limites juridiques imposées par leur secteur. Ces formations insistent également sur une sensibilisation écologique, recommandant d’utiliser des alternatives peu gourmantes en énergie, comme Google, pour certaines recherches, plutôt que d’avoir recours à des requêtes gourmandes en ressources.
Les banques et assurances mettent en place des mesures techniques et de formation pour maîtriser l’usage de l’IA, afin de réduire la charge administrative tout en garantissant la sécurité des données.
Les applications concrètes de l’IA dans ces domaines portent essentiellement sur l’automatisation de tâches répétitives, telles que la consultation de documents internes, la préparation de réponses aux clients ou la synthèse d’entretiens financiers. Par exemple, BPCE utilise des chatbots internes pour aider ses conseillers à accéder rapidement aux règles et informations nécessaires, tandis qu’Abeille Assurances se sert de l’IA pour rédiger des réponses aux clients, simplifiant ainsi le travail de ses agents tout en maintenant un contrôle strict sur le contenu généré.
Malgré ces avancées, la prudence demeure de mise face aux risques d’hallucinations, ces biais de l’IA qui peuvent produire de fausses informations. Pour y faire face, le groupe BPCE a instauré des protocoles exigeant que l’IA ne s’appuie que sur des documents internes et que les utilisateurs vérifient toujours la véracité des résultats fournis.
Le secteur bancaire et assurantiel anticipe également des bénéfices en termes de réduction de la charge administrative : le Crédit Agricole, par exemple, prévoit dans son plan stratégique 2026-2028 de diminuer de 20% ses tâches administratives grâce à l’IA. La réduction de 5 200 postes annoncée par ABN Amro d’ici 2028 illustre cependant que cette révolution technologique pourrait aussi entraîner des restructurations et des licenciements. Olivier Gavalda, le directeur général du Crédit Agricole, rassure toutefois en soulignant que l’objectif n’est pas forcément une baisse d’effectifs, mais plutôt de libérer du temps pour que les collaborateurs se concentrent sur des tâches à plus forte valeur ajoutée.
